HOTEL LE DJOLOFF (2016)

Initiée par Richard Rowland de l’atelier KOE et le maître d’ouvrage Yves Laplace, une belle idée qui m’a offert l’opportunité de réaliser un rêve de jeunesse: construire en terre.
Cette extension d’un hôtel de charme au cœur d’un quartier urbain représentait un vrai défi qu’il a fallu relever au quotidien durant près de 18 mois.

EXTENSION DU DJOLOFF A FANN-HOCK, DAKAR

UN PROJET CITOYEN, RESPONSABLE ET ECOLOGIQUE

Le Djoloff fait partie des rares lieux de caractère et de charme de Dakar. Par son architecture d’inspiration Saint-Louisienne, la finesse de ses ambiances et son échelle familiale, ce petit hôtel se démarque aussi des produits alentours en s’intégrant dans le tissu urbain à la charnière des quartiers traditionnels et des zones résidentielles.

L’extension du Djoloff programmée pour 2015 est un projet innovant. Par son état d’esprit, ses choix architecturaux et techniques, il se positionne déjà comme une vitrine.

A l’inverse des tendances spéculatives qui se généralisent à Dakar, le projet prévoit de respecter le bon sens ainsi que les règles élémentaires d’urbanisme. Il est construit sur trois niveaux et sur deux tiers seulement de l’emprise foncière quand tout autour, des parcelles sont totalement investies en surface et sur 8 étages. La démarche intègre aussi la continuité de la dimension humaine définie par le Djoloff dans sa formule existante.

Le projet d’extension se fait en continuité spatiale avec l’hôtel actuel mais cherche à se distinguer de celui-ci par une architecture plus contemporaine. Les douze chambres, la salle de séminaire, une cave voutée destinée à des événements culturels et les deux terrasses s’organisent autour d’un patio. Ce cœur d’ilot accueille la lumière du soleil, le ciel et le vent ainsi que les circulations nécessaires à la vie de l’établissement. Il sera traité en Jardin au rez-de-chaussée et constitue un élément bioclimatique essentiel.

Par ce projet, le Djoloff s’engage de façon militante vers un type de construction éthique et écologique. Cet état d’esprit s’articule autour de trois composantes : son intégration urbaine telle que nous l’avons décrite, le choix des matériaux et l’approche bioclimatique/énergétique qui se nourrit des deux autres composantes.

La brique en terre compressée (BTC) est une alternative sérieuse au « tout béton ». Elle est utilisée ici de manière engagée, non pas comme un élément décoratif ou un parement mais comme une solution constructive intégrée.

Les murs de BTC porteurs sur trois niveaux font de ce projet une expérience unique en architecture contemporaine au Sénégal et probablement en Afrique. Sur une épaisseur de 30 cm depuis les soubassements jusqu’aux acrotères, le béton armé est limité aux fondations et aux chainages nécessaires à la répartition des charges de tassement.

La brique BTC est constituée de latérite tamisée et mélangée à une infime proportion de ciment (5 à 10 %) destinée à stabiliser le matériau.  Elle est mise en œuvre dans une presse mécanique. Le projet fait appel à l’expertise d’une entreprise locale ElemenTerre, spécialisée dans ce procédé de construction. Grace au BTC, la construction privilégie la ressource locale, matériau et mise en œuvre. L’intérêt économique du procédé BTC tarde à s’établir du fait du faible développement de la filière. Il est cependant prévu sur ce projet d’abaisser le coût du gros œuvre de 20 à 30 %. L’incidence socio économique est évidente puisque le matériau est extrait dans la région et travaillé localement.

D’un point de vue énergétique et environnemental, le BTC n’occasionne pas les lourdes charges de production industrielles, ni les incidences du transport qu’impose le recours au ciment, aux aciers importés ou l’extraction incontrôlable de sable.

Le bilan énergétique et le bilan carbone sont particulièrement favorables compte tenu de l’extraction du matériau à proximité (argile du sol à 50 cm  de la surface et fabrication in situ).

La conception du projet en intégrant des préoccupations bioclimatiques, devrait permettre à l’hôtel de maitriser ses coûts énergétiques.

Les murs de forte épaisseur, construits en terre, combinent l’intérêt d’une forte inertie et d’une isolation thermique et phonique naturelle.

La présence d’un patio qui assure par convection la circulation de l’air traversant sur tous les espaces, permet de s’affranchir d’une ventilation motorisée et de minimiser le recours à la climatisation permanente.

Le choix d’un système de climatisation par une centrale à eau glacée permet aussi une incidence très positive sur le bilan énergétique de l’ensemble et exclut l’utilisation de gaz réfrigérants réputés dangereux pour l’environnement.

L’eau chaude sanitaire sera produite par une installation solaire thermique en toiture.

L’éclairage sera systématiquement en basse consommation et son système de commande permettra une utilisation d’énergie minimum.

Le reste du second œuvre favorise les choix à forte valeur ajoutée locale en ayant recours aux artisans Dakarois. Le bois et le métal sont préférés aux matériaux synthétiques ou minéraux importés.

Les choix éthiques sont parfois d’un investissement couteux mais leur incidence positive sur le monde de nos enfants justifie que nous en soyons les pionniers.

En ligne avec ces principes, le Djoloff se projette et s’intègre de manière responsable et innovante dans le futur. (décembre 2014.)